"Un autre phénomène qui a miné la rébellion est le goût immodéré de certains combattants aux biens matériels. Autant sur les champs de bataille, ils se battent farouchement, autant les batailles terminées, il faut les maintenir en les soudoyant. Des groupes de pression à base familiale se forment, des mécontentements factices se créent pour extorquer le chef. «Si vous ne me retenez pas, je vais rallier Deby, d’ailleurs je ne serais pas inquiété et j’aurai au moins le prix de mon véhicule armé». Tel fut la devise quotidienne de certains combattants.
Les chefs rebelles n’ont jamais réussi à sortir de cette situation anachronique, de cette mal gestion qui ressemble fortement à une photocopie des méthodes de gestion de Deby. Ce dernier traitait les rebelles de mercenaires, en réalité il avait raison sauf qu’ils ne sont pas des mercenaires au service du Soudan mais des mercenaires de la rébellion qui est devenue un fond de commerce pour beaucoup. La preuve en est que, dès que le parrain soudanais a fermé le robinet et expulsé les chefs, tout ce beau monde s’est rué vers Deby tels des chameaux assoiffés se bousculant vers un point d’eau. Au cours d’une réunion, un combattant avait dit haut ce que les autres commençaient à murmurer : «dans son état d’esprit actuel, il faut mieux que cette rébellion disparaisse, car si elle prenait le pouvoir aujourd’hui, le pays deviendrait une colonie soudanaise et pire encore les méthodes de gestion de Deby vont se perpétuer.»
Nous l’avons dit, la mainmise totale des services des renseignements soudanais sur la rébellion et l’incapacité notoire de celle-ci de se débarrasser de cette mainmise et bâtir une stratégie propre et cohérente, sont parmi les raisons de l’échec de la rébellion tchadienne. Cet échec est surtout celui du parrain soudanais qui fait semblant de faire partir Deby sans le vouloir vraiment. « Si ce n’est pas Nouri, Deby est le meilleur garant des intérêts soudanais, et il ne faut jamais laisser arriver au pouvoir un des leaders dont les ethnies font frontière avec le Darfour ou ayant des intérêts familiaux ou claniques dans cette région.» C’est le refrain du courant dominant au sein du pouvoir soudanais. Comme conséquence, le Soudan arme et finance massivement la rébellion et en même temps freine ou même sabote les actions de celle ci."
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