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Jusqu’où laissera-t-on aller Idriss Déby ?
 

 

 

 En avril 2006, disait un diplomate français dont les propos sont rapportés dans un article publié par le journal Le Monde du 20 février 2008,  « on croyait Idriss Déby à l'article de la mort, lâché par tout le monde. Il a pris quelques cartons de Chivas et il est allé faire le tour des casernes pour préparer les hommes au combat. Il a distribué des armes aux petits Zaghawa et ça a marché ! ». Ce diplomate, comme tant d’autres éblouis par la baraka que semble avoir Idriss Déby depuis 18 ans, parle beaucoup « d’exploits » du soldat Déby, mais jamais du drame que vit le peuple tchadien depuis l’accession du tyran au  pouvoir.


Fin 1990, lorsqu’Idriss Déby accède à la magistrature suprême de notre pays, il a trouvé un Etat quasiment normal, digne et respecté malgré sa grande pauvreté, malgré les guerres qui l’ont durement affaibli. Un Etat dont le peuple est fier, prêt à se soulever ensemble pour le défendre contre les visées hégémoniques de son puissant voisin et les manœuvres destabilisatrices des puissances occidentales. Sans  doute, l’ordre régnant, le civisme et le sentiment d’appartenance à une même communauté, toutes ces valeurs n’étaient pas tombées du ciel. Ce sont des hommes et des femmes qui ont édifié ces valeurs avec une conviction sans faille, avec un désintéressement toujours sincère. Idriss Déby faisait partie de ces hommes et femmes. Aux côtés d’Hissein Habré, de Djamous, de Gouara Lassou, de Kamougué et de  bien d’autres soldats, Idriss Déby a défendu héroïquement notre pays  contre les tentations diaboliques de Gaddafi. Ce n’est pas flagorner que de reconnaître que cet homme, qui aujourd’hui a complètement détruit notre pays, a d’abord été un des artisans de sa renaissance après tant d’années d’immenses déchirements, de guerres fratricides récurrentes, de désolation.


Parvenu au sommet de l’Etat après avoir chassé son ami Hissein Habré qu’il a présenté au peuple tchadien comme un tyran de la pire espèce, Idriss Déby a  promis aux rêves insatisfaits, aux intérêts blessés, aux ambitions déçues, qu’il allait tout réparer, tout exaucer, tout accomplir. Il s’est proposé en somme de substituer à l’ordre préexistant, un ordre encore meilleur. Mais suffisait-il de souhaiter ou de promettre pour réussir ?


Aujourd’hui, Idriss Déby a complètement échoué là où il aurait pu réussir s’il avait su continuer l’œuvre utile  de son prédécesseur. Qu’importe, car le destin  de « grand homme », d’homme d’Etat, ne lui est jamais réservé. Depuis près de deux décennies, on assiste impuissant au fourmillement des envies et la voracité d’une génération d’individus cupides contre l’autorité de l’Etat avec à leur tête un tyran manifestement irresponsable. A la place d’un Etat reconstruit après de tant d’années de privations (demi-salaire, pensions de misères), s’est substituée une véritable anarchie où les puissants dépouillent impunément les faibles, détournent allègrement les deniers publics, foulent aux pieds les lois de la République et se moquent éperdument de la Justice. Arrêtons-nous un instant et que chacun de nous se pose cette question : le Tchad est-il encore un Etat ?


Le Tchad n’est plus un Etat. Non seulement l’autorité de l’Etat est affaiblie, humiliée par la cupidité des uns, rabaissée par le dédain des autres et le civisme oublié des citoyens, notre pays est surtout livré tout entier aux mains d’un irresponsable qui en a fait sa chose, son butin de guerre. « Lâché par tout le monde », disait ce diplomate français en poste à N’Djamena. Il ne pensait pas si bien dire. Idriss Déby est seul, vraiment seul face au peuple tchadien qui ne supporte plus d’assister impuissant à l’irrémédiable décadence de l’Etat, de leur pays. Ses anciens collaborateurs l’ont lâché et promettent de le renverser. En aparté, ses collaborateurs du moment admettent que cet homme a l’anarchie dans le sang, l’incompétence dans les veines et l’insouciance dans les gènes.


Tout ce constat n’a finalement rien de nouveau. La brûlante actualité des condamnations judiciaires « quasi-décrétales » confirment seulement qu’Idriss Déby a effectivement ruiné le Tchad et détourné les institutions de la République de leurs objectifs. La Justice tchadienne  a-t-elle jamais réussi à convaincre les citoyens de son indépendance ?  Idriss Déby «  est allé faire le tour des casernes pour préparer les hommes au combat. Il a distribué des armes aux petits Zaghawa et ça a marché ! » disait le diplomate. Hélas ! Rien n’a marché. C’est parce que ni les armes,  ni les assassinats politiques, ni les tentatives de corruption n’ont réussi à desserrer  l’étau de la menace des rebelles de le destituer par les armes que  Déby Itno s’est employé dans un dernier recours à agiter la menace des condamnations judicaires à mort contre ses adversaires.


Des condamnations aussi inutiles que ridicules. Car, les lugubres conseillers  du chef de l’Etat lui préparent actuellement  des propositions de nouvelles « procédures de réexamen » des décisions judicaires prononcées contre Mansour Abbas, Issakah Diar, Hissein Hamita, tous transfuges des mouvements rebelles. Les condamnations seront  annulées. En revanche, l’on constate déjà une ruée des parents et proches du chef de l’Etat vers les biens immobiliers des leaders de l’oppositions que la Justice a décidé de confisquer au profit de l’Etat. Etonnant ? Pas si étonnant que ça. Dans notre pays, depuis longtemps l’Etat a fini par être confondu avec la famille d’Idriss Déby. Les biens confisqués iront directement dans le patrimoine individuel de chaque membre de la famille présidentielle. On ne plaisante pas.


Est-il possible de dénoncer plus longtemps les insuffisances manifestes de la gestion de l’Etat par le régime d’Idriss Déby sans donner l’impression d’exagérer parce qu’on est loin des affaires ? Sans prétention, le régime d’Idriss Déby est un échec. Les Tchadiens ne doivent plus continuer à se soumettre à ce régime qui les met au pressoir, force à l'exil les cadres de ce pays, humilie les institutions et foule aux pieds les lois de la République. En place d’un épouvantail sans  force qu’est le régime d’Idriss Déby, le peuple tchadien doit rassembler plus énergiquement ses forces et les confier entre des mains plus impérieuses, celles d’un leader rebelle ou de quelqu’un d’autre, des mains capables de planter le drapeau national dont les couleurs, souillées par tant d’années de gabegies, se confondent plus que jamais avec un patchwork mal cousu. Il est impératif de sauver la République. Que chacun prenne ses responsabilités. 

Lyadish Ahmed 

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