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Procès de Hissène Habré : Le Sénégal accusé de défier l'Onu 

Tous les obstacles juridiques étant levés depuis lors, les associations des victimes tchadiennes et les associations de défense des droits de l’homme, qui les soutiennent, interprètent les retards notés dans la tenue effective du procès de Hissène Habré, comme une volonté délibérée des autorités sénégalaises de ‘défier l’Onu’. 

Deux ans après que l’Union africaine a donné mandat au Sénégal de juger Hissène Habré et autant d’années après l’injonction onusienne allant dans le même sens, aucune procédure judiciaire n’a été engagée contre l’ancien dictateur tchadien, réfugié au Sénégal depuis sa chute du pouvoir, en 1990. Dans un communiqué conjoint signé par l’Association des victimes des crimes et des répressions politiques au Tchad (Avcrp), l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (Atpdh), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (Ltdh) Human rights watch (Hrw) la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (Fidh), ces organisations accusent directement le Sénégal, qui a pris l’engagement de juger Habré, de ‘défier l’Onu’.

‘Le Comité des Nations unies a jugé que le Sénégal avait violé par deux fois la Convention contre la torture, tout d’abord, en ayant failli à son obligation de traduire Habré en justice lors du dépôt de plainte par les victimes en 2000, puis, en ne respectant pas son obligation de le juger ou de l’extrader à la suite de la demande d’extradition formulée par la Belgique en septembre 2005’, lit-on dans le communiqué. Selon la même source, le comité a jugé que le Sénégal était ‘tenu de soumettre la présente affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou, à défaut, dans la mesure où il existe une demande d’extradition émanant de la Belgique, de faire droit à cette demande ou, le cas échéant, à tout autre demande d’extradition émanant d’un autre Etat en conformité avec les dispositions de la Convention’. Aussi, le Comité a demandé au Sénégal de lui faire un rapport, dans un délai de 90 jours, sur les mesures prises pour donner effet à ses recommandations.

Les auteurs du communiqué rappellent qu’’en novembre 2007, le Sénégal a déclaré au Comité des Nations unies qu’il était prêt à juger Habré, mais avait besoin d’une aide internationale. A cet égard, les organisations de défense des droits humains relèvent que la Commission européenne, la France, la Suisse, la Belgique ainsi que les Pays-Bas ont déjà accepté d’aider au financement du procès et qu’une mission d’évaluation des besoins, envoyée par l’Union européenne, s’est déjà rendue au Sénégal en janvier dernier. Cette mission a proposé que le Sénégal définisse une stratégie de poursuite, travaille sur la base d’un calendrier précis, et nomme un coordinateur administratif et financier pour le procès’.

Ce qui fait dire à Souleymane Guengueng, fondateur de l’Association des victimes des crimes et répressions politiques au Tchad (Avcrp) et chef de file des requérants à l’origine de la saisine du comité des Nations Unies contre la torture, qu’’on court depuis dix-sept ans pour que Hissène Habré soit jugé, pour qu’on comprenne la vérité sur ce qu’on a souffert. Aujourd’hui, le temps nous est compté. A moins que le Sénégal n’agisse vite, il risque de ne plus y avoir de victimes vivantes le jour du procès’. ‘Le Sénégal s’est moqué de nous durant huit années, maintenant il se moque des Nations Unies’, regrette-t-il. Pour Alioune Tine de la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme, qui soutient l’action des victimes, ‘ce n’est pas l’argent qui manque, mais la volonté politique réelle du Sénégal d’organiser le procès du président Hissène Habré. Absolument rien n’empêche le Sénégal d’ouvrir l’enquête judiciaire aujourd’hui même et que Habré soit entendu. Ce serait le meilleur gage pour dissiper les suspicions légitimes des victimes’, estime-t-il.

Mamadou Ndiaye, directeur de cabinet du ministre de la Justice : ‘Le ministre d’Etat va communiquer sur le dossier le mercredi 21 mai’

Du côté des autorités sénégalaises, en l’absence du ministre d’Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, son directeur de cabinet Mamadou Ndiaye joint au téléphone s’est voulu rassurant. ‘Le ministre d’Etat va communiquer sur le dossier le mercredi 21 mai 2008 à 10 h au Méridien Président. Il va s’adresser aux bailleurs de fonds et aux organisations de la société civile. Il évoquera de long en large cette affaire, car il a tous les éléments’, renseigne-t-il, sans en dire plus.

Pour ceux qui l’auraient oublié, l’ancien dictateur tchadien est accusé de crimes internationaux extrêmement graves, commis durant son mandat à la tête du Tchad de 1982 à 1990. En juillet 2006, à la demande de l’Union africaine, le Sénégal accepta de juger Hissène Habré. Cependant, à ce jour, les autorités sénégalaises n’ont pas concrétisé leur engagement.

Mamadou SARR

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