Combats au Soudan entre l'armée et l'ex-rébellion sudiste
LE MONDE | 21.05.08 | 15h21 • Mis à jour le 21.05.08 | 15h21
NAIROBI, CORRESPONDANT
A force de menacer, des mois durant, des combats ont fini par éclater à Abyei, au centre du Soudan, entre l'ex-rébellion sudiste, l'Armée-Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLA-M), et les forces gouvernementales.
Mardi 20 mai, après une trêve de deux jours mise à profit par les deux parties pour reconstituer leurs forces, les troupes de l'ex-rébellion, cantonnées sur la rive sud du Kiir, un affluent du Nil blanc, ont tenté de reprendre pied à Abyei avec l'appui de chars.
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Dans la modeste agglomération dévastée, l'artillerie de la 31e Brigade des forces de Khartoum les en a empêchés. Le pont sur la rivière, symbole de la tentative de renouer les fils de la paix entre Nord et Sud, a été détruit dans des combats, dont le bilan demeurait inconnu mercredi matin.
Ashraf Jenhagir Qazi, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et patron de la mission onusienne au Soudan, estime que 30 000 à 50 000 personnes, essentiellement des Sudistes, ont fui vers le Sud. Des hélicoptères gouvernementaux ont bombardé les abords des camps où ils se trouvent, en plein début de saison des pluies, tandis que des milices et des soldats nordistes tiennent Abyei, prêts à de nouveaux combats.
Ce n'est encore qu'une guerre en miniature mais elle montre que le pays, cinq fois la taille de la France, vit les armes à la main depuis la signature, en janvier 2005, de l'accord de paix global supposé enterrer vingt ans d'une guerre impitoyable entre Nord et Sud.
Depuis juillet, l'incendie couvait à Abyei, alors que Nord et Sud tentaient d'organiser leur propre administration, après le refus de Khartoum de retirer ses troupes d'un territoire accordé par une commission frontalière indépendante aux sudistes.
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Le litige est ancien. Abyei est disputé entre les Ngok Dinka, un groupe sudiste pro-SPLA, et des tribus dites "arabes", des Miseriya qui ont alimenté, pour certains, les rangs des redoutables milices Murahileen, chargées pendant la guerre d'une politique de terre brûlée au Sud, comparable à celle qui ensanglante le Darfour depuis 2003.
Chassés vers le sud par des massacres, les Ngok Dinka sont revenus récemment à Abyei par dizaines de milliers dans la perspective des élections de 2009 et du referendum d'autodétermination de 2011. Ces votes concernent l'avenir du Sud et des trois régions litigieuses, enclaves pro-SPLA dans des régions nordistes, dont Abyei fait partie.
Abyei est aussi une terre où l'eau abonde et où le pétrole coule à flots. Edward Lino, responsable de la SPLA pour Abyei, estime à 362 le nombre des puits et considère que le pouvoir de Khartoum, en vertu des accords de partage des ressources inclus dans l'accord de paix, serait redevable d'un milliard et demi de dollars à l'ex-rébellion.
Jean-Philippe Rémy
Article paru dans l'édition du 22.05.08