Idriss Déby a décidé de ne pas se rendre au sommet de l'Organisation Internationale de la Francophonie qui se tient à Kinshasa du 12 au 14 octobre 2012.
Il s’est fait représenter par son premier ministre Emmanuel Nadingar.
Le chef de l’Etat craint de prendre part au sommet de Kinshasa et risquer l'humiliation d'avoir à subir des "leçons de démocratie et des droits de l’homme" de la part du Président français, François Hollande, qui a clairement fait savoir son intention d’assainir les relations franco-africaines minées par des pratiques indignes de soutien ouvert et assumé aux potentats africains.
François Hollande a dit sans langue de bois, avant de s’envoler pour le Congo (RDC), que « la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition ».
Cette situation « inacceptable » prévaut partout en Afrique francophone, en particulier au Tchad où Idriss Déby dirige le pays d’une main de fer depuis 22 ans, refusant toute alternance démocratique, embastillant journalistes et opposants non armés, dilapidant les maigres ressources financières dans l’achat abusif d’armes de guerre, détournant les deniers publics au profit exclusif de sa famille et de quelques affidés.
Mais jusque-là, le chef d’Etat tchadien a bénéficié du soutien indéfectible des plus hautes autorités françaises, principalement Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, qui le considèrent comme un « mal nécessaire » sous prétexte qu’après lui, ce serait certainement « le déluge » aussi bien au Tchad que dans la sous-région.
François Hollande, qui a affirmé ne pas aller en Afrique pour se « différencier » de ses prédécesseurs, refuse néanmoins de serrer la main aux dictateurs qui bafouent impunément les droits les plus élémentaires du peuple tchadien.
C’est ainsi qu’il a annulé le rendez-vous du 8 octobre 2012 avec Idriss Déby à l’Elysée prévu pourtant depuis plusieurs mois.
L'affaire Ibni Oumar Mahamat Saleh, qui a fait l'objet d'une question au gouvernement par le député français Gaëtan Gorce le 11 octobre 2012, et les récentes condamnations des syndicalistes qui revendiquaient l'application d'un accord dûment signé par le gouvernement tchadien sont, entre autres, les principales raisons qui ont conduit le président français à ne pas recevoir Idriss Déby.
Le chef de l’Etat tchadien, qui ignore les valeurs de la démocratie, sera reçu à l’Elysée seulement après avoir compris que « le temps de ce qu’on appelait autrefois la Françafrique est révolu ».
Idriss Déby, qui se considère comme le sage de l'Afrique depuis la disparition d'Omar Bongo, n'apprécie visiblement pas que le nouveau président français ne lui témoigne pas le même égard que ses prédécesseurs, Sarkozy et Chirac, voire Mitterrand.
Surtout qu'il est le premier à lui promettre une intervention militaire au Mali contre les groupes terroristes afin de sécuriser les intérêts français au Sahel.
Pour laver l’affront, Idriss Déby est allé faire la fête à Malabo avec un autre potentat, le Président Obiang Nguema, qui célébrait l’anniversaire de l’indépendance de son pays, également miné par la corruption et le détournement des deniers publics au profit exclusif des membres de la famille présidentielle. Le chef de l’Etat guinéen est d’ailleurs poursuivi en France dans l'affaire des biens mal acquis. La justice française a saisi des centaines de millions de biens mobiliers et immobiliers à Paris appartenant à son fils.
Le déplacement de Malabo marque sans doute la volonté des deux potentats africains de former une "ligue des chefs d'Etat africains mécontents de François Hollande".
Un chantage diplomatique dont le but est de parvenir à exercer une pression morale sur le nouveau président français afin de conserver ou de rétablir les liens séculaires de la Françafrique, cette officine qui autorise le maintien au pouvoir à vie.
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