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BOB DEDJEBE croupit en prison(Tchad)

 

Aux dernières nouvelles, le moral de Bob Dédjébé, l’ancien président tchadien du Haut Conseil de la Communication est au beau fixe. Arrêté en août 2009, ce brillant journaliste, véritable star des médias au Tchad est accusé de détournement. Ce qu’il nie farouchement.

 

 

Le 13 octobre 2008, sur ordre de monsieur Bob Tirengaye Dédjébé, président du Haut-Conseil de la Communication, Adoum Guémessou, le secrétaire général de la dite institution convoque individuellement chaque patron de presse afin de lui remettre le montant du Fonds d’aide à la presse qui revenait à son organe.

 

 

Quelques jours après la répartition, les premières critiques fleurissent dans la presse locale. Elles émanent principalement des organisations professionnelles de la presse tchadienne qui stigmatisent l’opacité de la gestion de ce fond alloué par l’Etat. Dans la foulée, alors que le ministère tchadien en charge du contrôle d’Etat et de la Moralisation est saisi, les membres du HCC se désolidarisent brusquement du président. A la tête de cette fronde, Youssouf Djambaye, vice-président de l’institution dont les relations plus que tendues avec le président Bob Dédjébé sont connues de tous. A cette époque, Bob Dédjébé se confie à un ami : « je travaille dans des conditions difficiles avec quelqu’un qui me met constamment les bâtons dans les roues. Il est tout le temps en position de contestation permanente et résolue. Il ne supporte pas d’être vice-président. Je pense qu’il veut, et ma place et ma peau ». En effet, la rivalité entre le président et son vice-président avait pris une ampleur telle que tout le monde se plaignait de la paralysie de l’institution. Comment gérer le HCC (Haut-Conseil de la Communication) inscrit dans la Constitution, quand ses deux chefs ne se parlent plus ?

 

Il apprend la nouvelle de Dakar

Deux mois après le début de l’histoire, le 17 décembre 2008, un décret présidentiel éjecte Bob Dédjébé et son vice-président de leurs fonctions à la tête du HCC. Ils sont sévèrement sanctionnés – selon le décret – pour « manquements graves et comportement indigne ». A cette occasion, le président Idriss Deby s’en était référé au Conseil Constitutionnel qui a conclu à l’indignité des deux responsables.

 

Alors qu’il est relevé de ses fonctions, Bob Dédjébé quitte Ndjamena pour Dakar où l’un de ses neveux venait de décéder. Le 6 août, alors qu’il est toujours au Sénégal, le ministère du Contrôle général d'Etat et de la Moralisation annonce que « l'ancien président tchadien du Haut Conseil de la communication est en fuite après avoir détourné 100 millions de F CFA ». De l’accusation de manquement à la mission à lui confiée par l’Etat, Bob Dédjébé est désormais accusé de détournement de fonds. « Quand la nouvelle est tombée, nous a-t-il dit, mon épouse m’a appelé à Dakar, et sur le ton de la plaisanterie, m’a dit : Bob, tu as de l’argent et tu ne m’en donnes pas ? De l’argent, quel argent ? Les journaux disent que tu as volé des millions et tu as fui à l’étranger ».

 

N’a-t-il pas eu peur de retourner dans son pays alors qu’on l’accusait d’avoir détourné personnellement, 81, des 100 millions que les autorités considéraient comme disparus ? « Pourquoi avoir peur de rentrer ? Le Tchad est mon pays. J’étais serein et je n’avais qu’une idée en tête, rentrer à N’Djamena pour apporter un démenti à cette effarante nouvelle ». Ce qu’il fait dès son retour au Tchad. Une semaine plus tard, le 31 août 2009, il est arrêté et jeté en prison.

 

Qui avait intérêt à plonger Bob ?

Pour un cadre de l’administration tchadienne que nous avions joint au téléphone le 28 octobre 2010, la méfiance est de règle : « je connais bien Bob Dédjébé. Rien n’est plus précieux pour lui que la confiance que le Président Deby a en lui. Pour beaucoup ici, il est le protégé de Deby. Bob, ce n’est pas le genre à poser des actes inconsidérés. Ça, c’est mon avis personnel. Si la justice peut démêler le vrai du faux, nous saurons exactement ce qui s’est passé. Si le jovial Bob a commis un tel acte, il devra en assumer les conséquences. Ce qui serait injuste et dommage pour un pays qui se veut démocratique, c’est de laisser croupir en prison, un citoyen victime de coups tordus. Pour moi, l’affaire qui lui tombe sur la tête ressemble fort à un règlement de compte ».

 

Passés les premiers émois, l’entourage de Bob Dédjébé a conclu au coup monté pour éliminer un cadre du sud que le Président Idriss Deby aurait peut-être nommé à la Présidence, voire plus, quand on voit le parcours de ce journaliste apprécié et réputé qui a accumulé des responsabilités à la radio, à la télévision avant sa nomination à la tête du Haut Conseil de la Communication. Qui serait responsable de ce coup ? Pour Makaila Nguebla, le redoutable pourfendeur qui tient un site internet « Les proches de M. Bob Dédjébé  visent particulièrement  le ministre Mahamat Hissein, qu’ils accusent d’avoir conspiré pour l’arrêter, après l’avoir accusé de fuite du Tchad ; alors que ce dernier se serait rendu à Dakar, pour résoudre des problèmes familiaux et sociaux ». Mahamat Hissein, homme de confiance du président de la République Idriss Deby et ministre de la communication au moment de l’affaire est retourné à la présidence de la République tchadienne où il a été nommé au poste de directeur de cabinet du Chef de l’Etat le 29 mars 2010.

 

Victime de harcèlements incessants

Quand on fait l’objet d’une accusation aussi grave, et qu’on décide de rentrer aussitôt chez soi pour démentir, c’est dès la descente d’avion que l’on est cueilli par la police, pas deux semaines plus tard. Après cette arrestation, quelques questions s’imposent pourtant. Qui avait intérêt à médiatiser rapidement les faits reprochés à Bob Dédjébé ? Qui avait intérêt à transformer un voyage pour raison familiale en fuite à l’étranger ? Qui avait intérêt à casser la confiance que le Président Idriss Deby avait en lui pour son professionnalisme, son attachement et sa simplicité ? Il faut se rappeler que c’est au Chef de l’Etat tchadien que Bob Dédjébé doit d’avoir recouvré la santé après un grave accident de la route à l’occasion d’une tournée présidentielle.

 

En effet, en juin 1996, alors que le Président Idriss Deby était en campagne à l’intérieur du pays, un accident survient dans l’un des véhicules du cortège entre Massaguet et Mani. Dès qu’il apprend la nouvelle, le Chef de l’Etat tchadien fait demi-tour. Il est le premier sur les lieux et constate que le colonel Aya est mort sur le coup. Bob Dédjébé, lui, est dans un sale état. Il le fait transporter d’urgence à l’hôpital de la garnison proche. Cet épisode où Bob Dédjébé faillit perdre la vie, le rapprocha un peu plus d’Idriss Deby qui allait intervenir de nouveau en sa faveur. L’intéressé explique : « chaque fois que j’ai été désigné comme candidat à une quelconque promotion, certains de mes collègues protestaient en arguant que je n’avais fait aucune école de journalisme. Là-dessus, le Chef de l’Etat, pour mettre fin à de telles chicanes, m’envoya sur ses propres frais au Niger, à l’IFTIC, l’Institut de Formation aux Techniques de l’Information et de la Communication d’où je suis sorti major deux années plus tard. Trois mois avant mon retour au Tchad en cette année 1998, mon salaire fut bloqué malgré les instructions données. On me refusa même le billet retour à Ndjamena. Mes ennuis ne datent pas de 2008 seulement ». Retourné dans son pays, Bob Dédjébé dirigea la radio rurale, la Télévision nationale avant de se retrouver à la tête du Haut-Conseil de la Communication.

 

 

Document falsifié ?

Le 31 octobre 2010, nous avions pris contact avec Suzanne, l’épouse de Bob Dédjébé qui déclarait : « monsieur le journaliste, les autres femmes ont des grosses cylindrées pour apporter à manger à leurs parents retenus, moi, je suis à pieds. Il faut voir dans quel quartier, dans quelle maison nous vivons et dans quelles conditions nous affrontons le quotidien.  Tous les Tchadiens savent comment ceux qui ont de l’argent vivent dans ce pays. Si mon mari avait pris autant d’argent, vous pensez que moi qui le connais depuis tant d’années, je ne l’aurais pas su ? Il y a des indices qui ne trompent jamais une femme. Connaissez-vous un homme qui a les poches pleines et qui ne s’achète même pas une paire de chaussures, une belle montre ou un beau téléphone ? ».

 

Bob Dédjébé avait-il un coffre-fort dans son bureau dans lequel il puisait des liasses ? Réponse de l’intéressé : « Dans aucun pays moderne, un responsable institutionnel ne dispose de l’argent à portée de main. Le fonds est domicilié dans une banque de la place. Moi, j’étais décisionnaire, mais je n’y avais pas accès. Le chéquier du compte était détenu par le secrétaire général du HCC. C’est lui qui faisait toutes les opérations sur ce compte. Qu’a-t-il dit aux autorités ? Qu’il prenait l’argent et me le remettait. Et là, on a vu apparaître une décharge écrite à la main et comportant ma signature et mon cachet. Or, cette signature-cachet est une photocopie d’un courrier officiel du HCC et qui, découpée, à été collé sur cette prétendue décharge et photocopiée à nouveau pour lui donner un aspect normal. Où est l’original de cette décharge ? Cette question, je ne cesse de la poser. Si c’est bien moi qui ai remis cette décharge, le destinataire, c'est-à-dire le secrétaire général devrait avoir, non pas une photocopie, mais l’original. Et cet original, personne ne l’a jamais vu, ni à la police, ni  au contrôle d’Etat et de la Moralisation. Introuvable. Mieux, l’écriture sur la décharge n’est pas la mienne. On a comparé cette écriture et la mienne. Le document qui m’accable est un document monté pour me nuire ».

 

Pour un procès équitable

Les propos recueillis à la mi-décembre auprès de Bob Dédjébé sont les suivants : « L’analyse que je fais de la situation est simple : parti au Sénégal pour des obsèques, certains en ont profité pour faire croire que j’avais fui le Tchad. L’accusation étant grave, ils étaient persuadés que je prendrais la décision de rester à l’étranger. Ne pas rentrer, c’est s’accuser. Or, j’ai choisi de rentrer pour faire front, ce qui a manifestement bouleversé les plans de ceux qui me chargeaient. Il fallait donc tout faire pour me salir dans les médias, toucher à mon intégrité, briser mon élan professionnel ».

 

Une question de mathématiques : si, sur les 100 millions d’aide à la presse de 2008, monsieur Bob Dédjébé a empoché 81 millions de francs et « offert » 19 millions à ses collaborateurs, cela ne voudrait-il pas dire qu’en cette année-là, aucun médias tchadien n’a reçu un seul centime ? Or, il y a bien eu, comme il le précise, répartition. Et il ajoute : « Je comptais procéder comme en 2007 où, après les répartitions, le reste du fonds a été consacrée à la formation de 15 journalistes, directeurs de publication et commerciaux tchadiens au Cameroun ».

 

Quel est le sort réservé à Bob Dédjébé qui croupit en prison depuis bientôt 17 mois ? Fera-t-il l’objet d’un procès équitable ? Les plus hautes autorités du pays sont-ils au courant de son sort ? En effet, en visite récemment dans la sous-préfecture de Bouna (dont Bob Dédjébé est originaire), le premier ministre Emmanuel Nadingar était plus que surpris d’apprendre, lors de son passage que Bob Dédjébé qu’il croyait libre, était toujours maintenu en prison. Selon les informations recueillies dans cette sous-préfecture, une pétition des populations fut remise au premier Ministre pour le Chef de l’Etat. Nous avions appris, le 25 décembre 2010, que de leur côté, certains de ses confrères des médias envisageaient de mener des actions en sa faveur : « pourquoi une telle détention depuis des mois ? S’il faut le juger, eh bien que la justice fasse son travail ».

 

Le Tchad étant un pays de droit, il reste à penser que la justice exercera normalement ses prérogatives. Mais, si les accusations des amis de Bob Dédjébé concernant monsieur Mahamat Hissein sont avérées, il y à craindre que des facteurs subjectifs ne viennent à interférer dans cette affaire qui a tout l’air de ne pas être que judiciaire. Comme vient de me le souffler un confrère tchadien, « au Tchad, il n’y a qu’une et une seule personne qui peut tirer Bob d’affaire. Je te laisse deviner ».

 

 

(D. Wilson-Vivadi-nord -31/12/2010))

 

Source: 

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Tag(s) : #Tchad
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