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Confusions autour d’une condamnation
 

Au lendemain des condamnations à mort par contumace prononcées par la Justice tchadienne contre Hissein Habré et onze autres responsables de la rébellion, la décision de la Cour criminelle de N’Djamena continue par susciter l’incompréhension. La presse internationale, sans vérifier les termes des jugements, a affirmé en chœur qu’Hissein Habré a été condamné par la Justice tchadienne pour « crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture ». Une affirmation qui n’a pas manqué de susciter des réactions de la part des organisations de défense des droits de l’Homme et des autorités politiques sénégalaises.


Dans un entretien à la radio privée RFM du Sénégal, Monsieur Alioune Tine de la rencontre africaine des droits de l’Homme(RADDHO) a estimé que « Habré n’a pas eu un procès équitable ». Il faut que le Sénégal « lui rende justice en lui donnant l’opportunité de se défendre » a poursuivi Monsieur Tine. 
« C'est inattendu. Vraiment, nous sommes surpris », a expliqué de son côté le ministre Madické Niang sur la radio RFM. « Hier (samedi), je ne pouvais pas croire que cette nouvelle était tout à fait fondée dans la mesure où j'ai reçu récemment à Dakar le ministre de la Justice du Tchad. Il n'a nullement fait référence à cette procédure », a ajouté M. Niang. Voilà qui ajoute à confusion.


Il est vrai que Habré est poursuivi par l'Etat tchadien pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Ce qui est moins vrai, c’est que lors du procès du vendredi 15 août, la Justice tchadienne aurait statué sur ces faits dont la Justice sénégalaise s’en est saisie. D’après un avocat qui a requis l’anonymat, « Hissein Habré a été condamné comme auteur et complice des faits reprochés aux rebelles, c’est-à-dire, selon les termes du jugement : coupable d’atteinte à l'ordre constitutionnel à l'intégrité et à la sécurité du territoire. ». Une précision on ne peut plus claire. Hissein Habré a donc été condamné à mort pour avoir tenté un coup d'état contre Idriss Déby en février dernier.

Du reste, Idriss Déby a toujours voulu faire croire que la rébellion tchadienne est financée par Hissein Habré. Sa condamnation à mort par contumace est ainsi prononcée dans le cadre des poursuites judiciaires engagées contre les rebelles et leurs complices suite à la tentative de coup d’état des 2 et 3 février 2008. Une autre façon de satisfaire les lubies du parrain Gaddafi et de dissuader un peu plus ce dernier d'apporter un soutien au général Mahamat Nouri dont l'arrivée au pouvoir (qui réhabiliterait Habré) pourrait menacer le sommeil du "mégalomane efféminé de Syrte" ? D'aucuns le croient sans une once d'hésitation.
Le mandat donné en juillet 2006 au Sénégal par l’Union Africaine pour « juger Hissein Habré au nom de l’Afrique » peut donc suivre son cours normalement sans être torpillé par une énième manœuvre subversive débyenne.

 

Post-scriptum :

 

1. Hissein Hamita. Un jugement par contumace suppose l’absence du prévenu au procès soit parce qu’il reste introuvable soit parce qu’il se soustrait volontairement à la justice ou encore parce qu’il se trouve sur le territoire d’un Etat qui refuse de l’extrader. Les condamnations par contumace prononcées le vendredi 15 août se justifient pour l’ensemble des accusés à l’exception de : Hissein Hamita. Ce dernier se trouvait à N’Djamena au jour de  l’audience et s’y trouve encore aujourd’hui. Pourquoi n’a-t-il pas été dûment convoqué ou pourquoi aucun mandat d'amener n'a été délivré à son encontre au cas où il aurait refusé de se présenter au juge d'instruction ?

 

2. Mansour Abbas. Bien que se sachant condamné aux travaux forcés à  perpétuité, Mansour Abbas, ex-représentant en France de l’UFDD s’est rendu à N’Djamena où il s’y trouve depuis hier soir. Interrogé par des  amis sur les risques auxquels il s’expose, Mansour Abbas aurait répondu : « La Justice au Tchad c’est Idriss Déby qui la rend. Je suis parfaitement serein ». 

3. Lol Mahamat Choua, considéré comme un prisonnier de guerre « a été pris sur le champ de bataille », a déclaré Ahmad Allam-Mi, alors Ministre des affaires étrangères. « Il y avait des rebelles dans son voisinage, nous savons qu'il y avait des conciliabules entre eux », a affirmé le ministre. « Nous sommes actuellement dans une situation d'exception. On ne va pas le libérer tant que le pouvoir judiciaire n'aura pas clarifié sa situation » a-t-il dit. La Cour criminelle n'a jamais convoqué Lol Mahamat Choua. Son nom ne figure pas sur les listes des condamnés.


Vous avez dit parodie de justice ? Les mandats d'arrêt peuvent rester dans les tiroirs.


L.A

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