Les pays de l’Europe, de l’Amérique du Nord et de l’Asie s’enorgueillissent de leurs prouesses scientifiques et placent leurs critères de classification, sans distinction de classe et de race, sur la compétence et la performance intellectuelle de chaque individu et son rendement au travail. Toutes les mesures sont prises afin d’encourager la recherche scientifique et l’augmentation de la production en accordant une chance égale à tous et le recrutement du personnel se fait dans l’anonymat le plus complet afin d’éviter le népotisme.
Combien de jeunes tchadiens issus de nos villes, de nos communautés rurales qui brillent d’intelligence mais qui sont incapables d’avoir accès à l’Université nationale. Combien de nos jeunes diplômés qui ont un palmarès assez éclatant à l’École mais qui sont en train de faire le trottoir. Ils croupissent dans la gêne et la misère après avoir fait d’excellentes études dans des conditions extrêmement difficiles. Ils aimeraient servir leur pays avec fierté et dignité et procurer en retour une certaine satisfaction à leurs parents qui ont tant peiné pour faire d’eux des éléments assez avancés de leur classe. Hélas ! Ils ne portent pas les noms de familles politiques qu’il faut pour bénéficier d’une bourse d’étude à l’étranger ou pour occuper un poste important dans l’administration publique. De telles prérogatives sont souvent réservées aux fils de grandes familles politiques qui n’ont pas parfois la capacité intellectuelle nécessaire pour faire face aux exigences de la vie universitaire à l’extérieur. Souvent les heureux bénéficiaires non qualifiés n’entreprennent aucune étude et retournent au Tchad en se dotant d’un catalogue de titres fictifs tout en étant de vrais démagogues.
Il n’est pas étonnant de rencontrer dans les couloirs de l’Administration Publique tchadienne ce comportement bizarre de fils de famille qui s’affublent du titre d’économiste de facto, occupe le poste de Ministre par héritage social, sans avoir fréquenté aucun centre de formation sans jamais détenir aucun diplôme. Tel fils d’un grand professionnel tchadien prend des airs de hauteur parce qu’il jouit de l’héritage social de ses parents. Ils ont la science infuse et de ce fait occupent les fonctions les mieux payées.
Récemment, un candidat à un poste dans un organisme international a affiché dans son CV la liste de compétence de son ascendance familiale comme fils d’un ancien membre fondateur du MPS et neveu d’ un ex ministre de Transport , sans jamais dire qui il est. Aujourd’hui, quand on s’appelle Dounia, Jean, Ngar, etc… il est difficile d’avoir accès à la fonction publique. Il faut bien y ajouter ITNO, « -mi », Alifa, Haggar, Kabadi, Yamassoum, etc... Cette tendance clanique identifiée à l’échelle étatique a vicié les rouages de l’administration publique. Ce clientélisme familial est à la base de notre retard économique.
Les tchadiens et tchadiennes dont les familles viennent de l’arrière-pays n’ont droit à aucun crédit. Ils sont plutôt appelés à un poste de commis de magasins ou à traîner leurs savates dans nos rues ou dans les bureaux lointains du HCR avec des diplômes de recherches scientifiques sous un soleil de plomb. Pourtant l’histoire rapporte que Monsieur X, un Soudanais est arrivé au Tchad comme marchand ambulant traînant sous ses bras une machine à coudre pour vendre de la pacotille dans les marchés publics. Sous l’égide de la révolution du MPS, il a bénéficié de plusieurs marchés publics pour confectionner des uniformes pour les soldats de l’Armée tchadienne. Voilà comment il a érigé un empire familial devenu un tchadien par un lien de sang lointain.
L’Autorité Monétaire Nationale avec son système de crédit hypothécaire entretient ce préjugé des noms familiaux. En tenant compte du patrimoine économique du sollicitant ou de ses accointances politiques pour accorder les prêts il est clair et évident que tous les privilèges vont à ceux qui en ont déjà. Ceux qui n’en ont rien resteront toujours pauvres même s’ils ont des projets dont le taux de rendement interne est assez élevé pour répondre à leurs obligations face à leurs créanciers. Souvent certains plans de projets non financés sont subtilisés au niveau des études économiques de nos Banques. Le privilège de la mise à exécution reviendra encore aux familles riches de la place à l’insu de l’auteur qui est voué au refus le plus total.
Notre système bancaire traditionnel entretient la discrimination économique en transférant les richesses du pays aux ascendants et aux descendants des mêmes familles. L’argent au Tchad pendant plus de 20 ans n’a pas changé de main. Monsieur Mahamat, un chauffeur des coopérants Français dans les années 1990 n’était qu’un simple fonctionnaire du privé comme Hassane, jardinier chez les mêmes coopérants. Grâce à son oncle devenu Général dans le cercle du pouvoir, on lui a accordé le privilège de gagner les marchés publics de commander les fournitures de bureau des ministères. Ce soutien initial accordé par le département des marchés publics s’est décuplé pour lui permettre de posséder en un temps record son parc industriel.
L’aide financière internationale ne suffira pas pour activer notre croissance économique. Il nous faut aussi une machine administrative et politique bien huilée pour assurer une répartition de la richesse nationale de façon équitable.
Souvent, les retombées des projets d’investissements nationaux sont récupérées par les familles traditionnelles et leurs alliés qui occupent l’avant-scène politique depuis 1990. Il est triste de constater que les bergers en qui nous plaçons toute notre confiance se sont intégrés dans la meute des loups pour dévorer le troupeau. Il nous faut tirer des leçons de la pratique politique rétrograde tchadienne.
Que puis-je dire? Bonne et Heureuse année?