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Les risques d’implosion de l’UFR

ou les questions sans réponses de Djimé Adoum
 

 

 

Certains ont peut-être trop vite applaudi la création de l’UFR suivie de la désignation de Monsieur Timane Erdimi comme nouveau dirigeant des forces unies de la résistance. Ils ont assurément chacun leurs raisons : certains se sont longtemps égosillés à appeler à l’unification de la rébellion quand ce n’est pas d’autres qui nourrissaient le rêve d’occuper des postes plus valorisants que les simples strapontins de représentants extérieurs des mouvements, sans réelles missions définies et que d’autres encore espéraient secrètement que leur leader, en particulier, devait trôner à la tête de la plus grande coalition politico-militaire jamais créée ; une sorte de chef d’Etat parallèle à qui tout le monde devait respect et considérations.

Sur les papiers, comme on dit dans le jargon des faussaires, les résultats des travaux de la commission ad’hoc, dirigée par Mahamat Djarma Khatir, ont été à la hauteur des espérances de ceux qui fondaient leurs espoirs sur des très récents anciens amis de Déby Itno pour le déloger du palais rose et leur rendre ainsi justice de tout le mal que le soldat de Bamina a fait aux Tchadiens. S’ils en avaient les moyens, ils auraient sabré le champagne.

On n’a pas été surpris de voir Abdelamane Khatab, féliciter le nouveau « Président Timane Erdimi » en s’exclamant « Yes we can » comme si le jumeau de Tom était déjà presque aux affaires. On a été encore moins surpris  de voir l’ancien ministre d’Hissein Habré, Michelot Yogogombaye, sauter de joie au point de confondre vitesse et précipitation en annonçant prématurément la nouvelle de la désignation de Timane Erdimi en des termes tellement élogieux que les militants de l’UFDD se sont senti dans l’obligation de l’appeler à un peu plus de dignité. Dans la foulée, on a vu un Lyadish Ahmed, plus que satisfait de ce qu’il prétend être une décision « courageuse » des chefs rebelles, appeler davantage au rassemblement derrière l’UFR. On a vu aussi Dr Félix Ngoussou Ramadan, représentant du RFC aux Etats-Unis doubler d’énergie dans le marketing politique de son mentor Timane Erdimi qu’il voudrait coûte que coûte fourguer aux sceptiques et aux plus exigeants sur la qualité du produit. On en a vu d’autres, plus ou moins sérieux, plus ou moins opportunistes, plus ou moins faux culs, applaudir le nouveau dirigeant de l’UFR « avec les mains et les pieds » comme le dit de façon plaisante un commentaire lu dans la boîte à réactions des blog sites.

On a été en revanche très surpris de l’accueil globalement positif réservé à Timane Erdimi par Mahamat Abakar qui voyait pourtant dès le mois de novembre 2008, son idole Mahamat Nouri à la tête de l’UFR au point d’attirer les foudres de Djédé Kourtou Gamar, porte-parole de l’UFCD. Cette surprise a été accentuée par le comportement assez cohérent et empreint de fidélité de Mahamat Assileck Halata, porte-parole de l’UFDD en France et en Europe, qui garde un silence éloquent depuis la création de l’UFR. En effet, s’il y a des partisans de Nouri plus que convaincus, ce sont ces deux-là. Mais la surprise était venue de Mahamat Abakar qui a rejoint le camp de Timane Erdimi dans une course de fond à faire pâlir de jalousie Colin Powell (Bushiste et Républicain) dans sa course vers Barack Obama (Démocrate) alors même que le webmaster du blog Ambenatna a passé toute l’année 2008 à tirer à boulets rouges sur le Président du RFC et sur son illustre jumeau Tom Erdimi.

Mais en réalité, à part ces adversaires incontestés de Déby que je viens de citer, la plupart des Tchadiens n’approuve pas vraiment la nomination de Timane Erdimi à la tête des forces unies de la résistance nationale. À en juger par le nombre de commentaires anonymes défavorables au président de l’UFR postés ici et là sur internet, on peut même sans risque de se tromper affirmer que cette désignation suscite « plus de peur que d’espoir », contrairement aux souhaits de certains. D’aucuns n’ont pas hésité, sur Timane face à Déby, de parler de choix entre « la peste et le cholera » quand d’autres exigent purement et simplement que soit « rectifié le tir », entendez, l’annulation de la désignation de Timane à la tête de l’UFR. Or, c’est là que les choses deviennent plus intéressantes, car en règle générale, ce sont ceux qui contestent ou qui s’interrogent qui posent les vraies questions. Et, parmi ceux-là, figure Dr Djimé Adoum qui, s’interrogeant sur le mystère qui entoure la grisaille de l’UFR, semble avoir découvert un « cocktail explosif » parmi les débris laissés par le passage du cyclone soudanais.

Le Président de la Commission Indépendante pour le Dialogue Inclusif (CIDI), en l’occurrence Djimé Adoum, a émis 3 hypothèses en posant 6 questions pertinentes dans l’hypothèse 1, qu’auraient dû se poser les opportunistes de la dernière heure avant d’ovationner à gorge déployée le nouveau « petit dieu » de l’UFR. Toutefois, je n’en ai sélectionné que 2 pour éviter des longueurs inopportunes.

1. – Dr Djimé Adoum se pose en effet la question suivante : « Comment se justifie le fait que juste quelques moments après la création de l’UFR, les combines et intrigues battent leur plein et entraînent la fissure du FSR du Colonel Soubiane?  ». Quelle réponse peut-on donner au Président de la CIDI ? Je crois qu’il serait difficile de donner une réponse définitive à cette interrogation et cela fragilise d’autant nos certitudes quant à la viabilité de l’UFR. Puisqu’il n’est pas possible de donner une réponse sans connaître véritablement les raisons de l’attitude de Ahmat Hassaballah Soubiane (AHS), émettons deux hypothèses :

-        a) AHS ayant cru jusqu’au dernier moment que ce serait Mahamat Nouri le dirigeant de l’UFR, comme d’ailleurs prématurément annoncé sur le blog Ambenatna, il refuse de se mettre derrière Timane Erdimi malgré les injonctions fermes des Soudanais. Après quelques conseils de Nouri en personne, l’homme accepte de « jouer le jeu pour ne pas vexer leurs parrains », mais son acceptation d’être dirigé par Timane ne saurait être autrement interprétée que par sa valeur strictement symbolique. Et puisque AHS refuse dans la réalité d’être conduit par Timane Erdimi, c’est que tout le FSR doit refuser de suivre le « dirigeant imposé » et s’en tenir à une présence symbolique parmi les effectifs de l’UFR. Mais dans le FSR, l’attitude de AHS semble prendre une allure dictatoriale et injustifiée aux yeux des cadres du mouvement dont Ali Gaddaye. Le jour de la publication de la liste du bureau exécutif de l’UFR, quelques postes étaient vacants et l’on s’était posé la question de savoir pourquoi ces postes n’étaient pas pourvus alors que ne manquent pas de candidats. En réalité, les deux postes « inoccupés » sur papiers étaient réservés aux membres du FSR, dont Ali Gaddaye, mais Timane Erdimi ne voulant pas jouer au « diviser pour mieux régner », il a laissé les Soubianistes régler leur problèmes en interne. 12 jours étaient passés sans que AHS change d’avis. C’est alors que Gaddaye et Isamaël Moussa sortent un communiqué pour désavouer AHS et rejoindre l’UFR. Il s’en est automatiquement suivi un communiqué antidaté signé par Abderamane Koulamallah, porte-parole de l’UFR informant de la désignation de Gaddaye au poste de Délégué aux affaires juridiques et Ismaël Moussa, délégué adjoint aux armées. Le lendemain du clash entre les Soubianistes, un communiqué du FSR vient suspendre de leurs fonctions les deux « transfuges ». C’est où l’on voit que AHS est déterminé à ne pas se mettre derrière Timane Erdimi.

-        b) AHS s’étant rebellé contre le régime MPS en partie à cause du cercle très proche de Déby, dont Timane Erdimi, qui a verrouillé l’accès à la magistrature suprême à toute autre personne qui ne serait pas du clan, l’ancien ambassadeur chercher à adopter une attitude cohérente en refusant purement et simplement d’aider de quelque façon que ce soit à la monarchisation du pays par un clan. Malgré les gages d’honnêteté et de bonne foi donnés par Timane Erdimi quant à sa volonté de renverser le régime pour restaurer l’état de droit et promouvoir la démocratie au Tchad, AHS veut préserver une certaine dose de méfiance tel l’instinct de survie. Son refus de se laisser conduire jusqu’à N’Djamena par Timane Erdimi ne peut s’expliquer dans cette seconde hypothèse que par ce refus du risque de monarchisation. A-t-il vraiment raison de s’inquiéter ? J’entends déjà les hauts parleurs médiatiques clamer, « non, il n’a aucune raison d’avoir peur ». On aimerait que l’avenir leur donne raison.


2. – Mais quelles raisons pouvaient expliquer la défection des 52 éléments de l’UFDD juste après la création de l’UFR ? C’est le sens de la seconde question posée par le Dr Djimé Adoum et qui ne mérite vraiment pas que l’on s’y attarde. Ici, il n’y a pas lieu d’émettre la moindre hypothèse. Cette défection annoncée triomphalement par le site internet de la Présidence vient tout simplement corroborer l’affirmation de ceux qui disaient que des centaines d’éléments de l’UFDD ont signifié à Mahamat Nouri qu’ils n’avaient aucune intention de donner leur vie pour que Timane Erdimi s’assied confortablement à la tête de l’Etat après avoir fait partie du cercle présidentiel à l’origine des diverses insurrections parmi les militaires et les civils. Quelque commentaire particulièrement acerbe lu sur un blog disait qu’il « préférait l’original d’un tyran que sa pâle copie » ; ou encore que « entre le clone de Déby et le clan de Déby, je choisis le clan ».

Les défections de l’UFDD suivies de ralliements à l’ANT traduisent ici aussi le manque de confiance des éléments de l’UFDD à l’honnêteté et à la bonne foi de Timane Erdimi quant à sa volonté de restaurer l’état de droit au Tchad et d’y promouvoir la démocratie. Mais jusqu’à quand doit on continuer à nous méfier d’un homme qui semble disposer de tous les atouts pour chasser de la tête de l’Etat un dictateur rejeté par tout un peuple et désormais évité par ses propres paires ? Je constate avec regret et étonnement que ceux qui étaient les premiers à soutenir le « nouveau président » commencent par poser des pas en arrière. Le spectre d’un Timane Erdimi en pater familias tout puissant, injuste, arrogant et sans pitié conduit déjà les brebis égarées de l’UFDD à se demander si « nos souhaits seront exaucés » quand ce n’est pas les mêmes avocats du « devoir de rassemblement » qui dénoncent déjà « l’égoïsme des petits dieux ».

Dr Djimé Adoum, avez-vous découvert le « cocktail explosif » ? Il ne reste plus qu’à le désamorcer avant qu’il n‘explose. Qui veut bien s’en charger ?


Faradj Djalloul

Nabeul

Tunisie

djallalon@yahoo.fr

djallalon@yahoo.fr

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