Les Brèves de N’djaména : Une nomination dont l’objectif est claire
Mahamat Adoum Ismaël était le DG de la Compagnie Sucrière du Tchad, ancienne Sonasut ; une société privée à 100% appartenant au groupe SOMDIA. M. Ismaël était dans une institution
internationale, UE-ACP, quand la SOMDIA l’a déniché pour diriger la nouvelle société. Avant d’aller servir à l’UE-ACP, il avait occupé des hautes responsabilités dans l’administration
tchadienne sous différents régimes. Pour sa connaissance des milieux politiques et administratifs tchadiens, la SOMDIA l’a choisi pour diriger la CST. Il vient d’être déboulonner de là pour
être nommé à la Cotontchad moribonde.
D’aucuns penseraient que Deby veut utiliser les compétences professionnelles confirmées de l’individu
pour relever la Cotontchad au bord du gouffre. Loin de là. En effet Deby a une haine atavique vis-à-vis de ceux qui évoluent aisément en dehors de lui,
ceux qui ne lui doivent en rien, ni de leur promotion sociale, ni de leur aisance matérielle. Pire encore, surtout si cette catégorie des individus ne vient pas s’aplatir devant
lui pour faire croire à sa paternité de leurs promotions ou même qu’elle ne vit et respire que grâce à lui, Deby. Cela est aussi vrai non seulement pour les individus mais aussi pour des
sociétés privées. Les exemples ne manquent pas. Adago Yacouba était le Directeur commercial de la CST. Nommé à ce poste par la SOMDIA, sans
passer par Deby. Des années passent, Adago ne demande rien à Deby, ne se plaint de rien. Devant les louanges griots de ses bouffons, Adago
reste de marbre. Mieux, il mène une vie aisée tout en participant activement à la vie du parti au pouvoir. Allez hop, à la mairie de
Ndjamena !
A la seconde qui a suivi ce déboulonnage, c‘est un neveu de Deby qui est nommé à sa place, il y demeure encore. A la mairie de N’djaména, Deby coupe les
vivres sous les pieds d’Adago, gelant pratiquement les activités de la mairie, jusqu’à l’arrêt complet. Verdict de Deby : « Adago est incapable de gérer la mairie », et hop dans la rue. Au lendemain de son limogeage, Deby débloque une enveloppe de 560 millions de CFA à son successeur. Le suivant sur la
liste était Rakhis Mannani ; membre du MPS victorieux, il fit partie de l’organe législatif de transition.
A la fin de la transition, Deby le nomme à la STAR nationale. A la privatisation de celle-ci, Deby
fait mains et pieds pour contrer sa reconduction à la tète de la nouvelle société privée. Mais comme un défi à l’endroit de Deby, la nouvelle assemblée des actionnaires le reconduit à
l’unanimité. A la tête de la nouvelle société, l’homme repousse toutes les avances et propositions de Deby. Ancien de l’administration territoriale, M.
Mannani est connu et entretient des relations civilisées avec tous les milieux et acteurs politiques tchadiens. Mieux, tous les chameliers en transhumance vers le sud bivouaquent chez
lui. Au milieu de ses parents, entre les brouhahas, suivis de « ya Abou Fatné, ya Abou Khadija », en
train de préparer le thé à leur endroit, M. Mannani à l’air d’un véritable chef de tribu respecté. Deby en a horreur. Pire, au fil des temps, le bureau de M. Mannani est devenu le lieu des
retrouvailles des mecontents du régime ; et hop promu ministre de l’élevage !
L’intéressé boude et refuse de prendre service. Deby fait alors savoir que c’est un affront inacceptable. Les parents et amis se précipitent pour lui dire qu’on n’affronte et moins encore
nargue pas le Président de la République. Ainsi il prend service à contrecœur. Et hop débarqué du ministère sans aucune raison, moins de trois mois
après!
Bichara Doudoua était le Directeur de la SOTEC, une société des carrières privatisée à 100%. M. Doudoua était le DG de cette même société avant qu’elle ne soit privatisée. La
société française majoritaire et les actionnaires tchadiens le nomment DG adjoint, en fait le vrai patron car le DG est domicilié en France. Bien connu des divers milieux tchadiens pour avoir
été longtemps le Directeur des Immatriculations et des permis de conduire, chef autoproclamé des cadres beri, M. Doudoua a non seulement fait prospérer la
SOTEC , mais aussi développé des activités annexes à l’endroit de ses nombreux parents. Deby en est jaloux. Beaucoup des Ministres des mines se rappellent d’avoir reçu l’ordre
formel de débarquer M. Doudoua de son poste. Les plus hardis des ministres ont fait comprendre à Deby que ça ne relève pas de leur compétence. Les béni oui-oui ont préféré laisser le temps au
temps. M. Doudoua apprend par la radio qu’il est propulsé Secrétaire général adjoint de la Présidence.
Au lendemain de ce déboulonnage, Deby prépose à la SOTEC un de ses neveux en villégiature au Canada. Objectif raté, puisque le même Doudoua fait comprendre à Deby qu’il n’y a que l’assemblée
des actionnaires qui est habilité à le remplacer et qu’à défaut il préfère cumuler les deux postes. Deby a apparemment raté cette fois ci la coche : M. Doudoua est confortablement installé
à la Présidence ou visiblement il s’y plait puisqu’il semble être l’assembleur des beri autour de lui pour le soutien de Deby et un grand pourfendeur des « mercenaires » et il continue à
demeurer à la tète de la SOTEC. Pour beaucoup d’observateurs, Deby utilise cette technique pour caser les siens, mais dans la réalité, la hargne de casser ceux qui évoluent indépendamment de
lui emporte sur le besoin de caser les siens. Avec les hommes d’affaires et les sociétés privées, Deby procède autrement, plus perfidement et cyniquement. Un homme d’affaires qui prospère en
évoluant en dehors du cercle du pouvoir (bien sûr ce qui est rare) ou un chef d’entreprise qui agit comme le premier, sont invités par Deby pour un diner. Pendant le repas, Deby félicite le
commerçant ou le chef d’entreprise pour avoir réussi dans leurs affaires, de leur conduite citoyenne, comparés à tous ceux qui tournent autour de lui, et blabla. Pour finir, il leur annoncera
qu’il va leur octroyer des marchés dont son entourage les a empêchés de les avoir jusqu’à maintenant. Devant ceux-ci, il appelle un de ses bouffons et lui ordonne :
« dis au chef des projets présidentiels ou à tel ministre d’octroyer tel marché à
tel Monsieur » ; puis s’adressant aux messieurs,
« vous pouvez commencer dès maintenant avec vos propres moyens en attendant que le
processus finisse ». Le monsieur sort de chez Deby complètement emballé :
« mais le type là est bon, c’est un sain, on ne le savait pas, seulement il mal
conseillé, mal entouré, etc. » Et le monsieur de commencer les travaux en
utilisant ses propres fonds et des prêts par ci par là ; arrive un moment où le monsieur ne peut plus continuer : épuisé et endetté, pire, Deby est complètement inaccessible :
FAILLITE.