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Des vérités difficiles à accepter

Nous avons pu nous procurer un rapport confidentiel des chefs de mission diplomatique de l'Union européenne à Ndjaména, dont l'ambassadeur est Robert Kremer, adressé le 30 janvier 2006 à la Présidence à Bruxelles.

Nous le publions tel quel.

Restreint UE FM vie Coreu
To all Coreu normal
 CFSP/PRES/VIE/0136/06
300106 1344Z
ACRONYM COAFR

COACD
Subject COAFR COACD-TSCHAD-Rapport des chefs de mission sur la REF CFSP/SEC/0120/06
Text
Subject COAFR COACD-TCHAD

 

Rapport des chefs de mission sur la situation au TCHAD
Réf : CFSP/SEC/0120/06

 

La Présidence a l’honneur de circuler ci-joint un rapport des chefs de mission sur la situation au TCHAD

 

I-     = = LE GOUVERNEMENT TCHADIEN= =

Dans la situation actuelle que connaît le Tchad, le Président Idriss Deby est aux commandes directes du char de l'Etat. Aucune décision, même de moindre importante, ne se prend dorénavant sans qu'il n'ait donné son aval. Il est celui qui a décidé l'épreuve de force avec la Banque Mondiale, ainsi l'Etat de Belligérance avec le Soudan, consécutivement à l'attaque d'Adré survenue le 18 décembre dernier.

Le Gouvernement Tchadien compte des personnalités médiocres, hormis des ministres tels que ceux des Affaires Etrangères, Ahmat Allami, de l'Economie et du Plan, Mahamat Ali Hassan, des Infrastructures, Adoum Younousmi et de la Santé Publique, Moussa Kadam. L'Administration elle-même est peu performante car le renouvellement des générations na eu lieu et l'entremise Zaghawa (ethnie du Président) na favorisé que ceux du « clan », dont les incompétents, au détriment de toutes les autres ethnies.

Le Parti présidentiel (Mouvement Patriotique du Salut/MPS), soutenu par une trentaine d'autres petits partis satellitaires, ne compte pas beaucoup de personnalités de grande valeur, y compris l'Assemblée Nationale où la majorité MPS détient 113 siéges sur 155.

Le Président Déby ayant favorisé des années durant la mainmise des Zaghawa sur l'appareil d’Etat, ces derniers, omnipotents et omniprésents, sont devenus dorénavant la première menace, tant politique que physique pesant sur le Chef de l'Etat. L'illustration de ce divorce ou de cette confrontation a atteint son paroxysme en mai 2004, quand le clan Zaghawa a lancé une tentative de coup d'Etat visant à éliminer le Président Deby.

En octobre et novembre 2005, les mêmes militaires insoumis, soucieux de préserver leurs avantages acquis, leur impunité, de même que leurs positions au sein de l'appareil d'Etat, ont créé des mouvements de rebellions installés en territoire soudanaise afin d'y solliciter les appuis nécessaires à leur lutte contre Deby, auprès des « Faucons » de Khartoum ayant en ligne de mire l'Etat Tchadien.

  

II-= = L'OPPOSITION = =

Morcelée en près de 70 partis, elle est d’aussi piètre qualité que la majorité présidentielle. Les ténors pour la plupart sudistes, ne représentent souvent qu’eux mêmes ou tout au plus, dans le meilleur des cas une région ou une ethnie (parmi eux figurent : MR. Ngarlejy YORONGAR, Saleh KEBZABO, Ibni Oumar MAHAMAT SALEH, Salibou GARBA, Jean Bawoyeu ALINGUE et le Général Wadal Abdelkader KAMOUGUE).

En dépit de multiples tentatives d'alliances et de regroupement (dont la dernière en date est la CPDC), ces leaders sont dans l'incapacité, à ce jour, de présenter un programme ou une alternative structurée, crédible et nationalement consensuelle, au pouvoir en place.

C'est dire si les Etats et membres et la Délégation de la Commission présents, ici, à N'Djaména, ont quelques difficultés à mesurer finement et avec précision la réelle représentativité numérique et l'audience populaire effective de ces mouvements d'opposition.

En résumé, la population tchadienne est aussi lassée des partis politiques de majorité dont elle n’attend plus rien après 15 ans de pouvoir, que ceux de l'opposition dont elle mesure la vacuité et l'inconséquence (ladite opposition lu ayant donné pour mot d’ordre, en 2005, de ne pas se faire recenser sur les listes électorales, ce qui constitue la négation même de la citoyenneté).

 

III- = = LA SOCIETE CIVILE = =

Elle quasiment inexistante car na pas les moyens ni la volonté de s’exprimer réellement, se prétendant indépendants, les médias privés (qui sont en fait tous aux ordres de l’opposition) accaparent l’espace effectif de liberté d’expression pour, au nom de la société civile, se comporte en médias partisans jusqu’à la caricature.

De même, la création de nombreuses associations de défense des droits de l’homme, entièrement entre les mains de politiciens sudistes revanchards, répond bien souvent à recherche dune honorabilité et d’un soutien alimentaire auprès des grandes organisations internationales de ce secteur, plutôt qu’au souci de véritablement défendre les droits de l’homme. Ces associations ne se plaisent qu’à révéler, voire exacerber, les incidents inter-éthniques, contribuant ainsi à fragiliser davantage encore un sentiment national déjà bien faible.

En fin du compte, la société civile tchadienne souffre dune confusion de genres entretenue par un « club » assez fermé d’une centaine de personnes à NDjaména, que l’on retrouve alternativement, avec des titres différents, dans les enceintes politiques, médiatiques et associatives.

IV- = = LE DARFOUR = =

Trop longtemps, la communauté internationale a ignoré les liens ethniques et commerciaux, la proximité linguistique et le sentiment partagé de marginalisation ou d'exclusion existant entre les populations du Darfour et celle de l'Est tchadien, focalisée quelle était par les questions internes soudanaises stricto sensu.

Le constat qui peut être fait aujourd’hui est la crise du Darfour a totalement pollue au plan politique, et exacerbé au plan socio-économique, les relations entre Khartoum et NDjaména, d’autant qu le Tchad a été le seul pays du continent africain à accepter d'accueillir volontairement 300 000 réfugiés soudanais au plus fort de la crise et ce, en autorisant sans réticence aucune les ONG , les organisations humanitaires et les institutions onusiennes, à s’installer sur le territoire Tchadien, à y circuler librement et favoriser l'implantation des camps conformément aux requêtes du HCR.

Cette qualité de l'hospitalité tchadienne est trop souvent ignorée et le Président Deby est déçu de manque de reconnaissance internationale. Alors qu’il a appris des risques sérieux en politique intérieur, en acceptant l'installation de réfugiés qui, à ce jour, se décompose comme suit :près de 230 000 des réfugiés soudanais à la frontière orientale, en sus de 40 000 réfugiés centrafricains à sa frontière sud.

La posture de médiateur tenue par le Tchad n’a pas été reconnue ou valorisée, alors même que le texte fondateur de cessez-le-feu, toujours en vigueur et servant de base aux négociations d'Abuja, a été bien signé à NDjaména en avril 2004, grâce l’implication personnelle du Président Deby.

Alors que tous les partenaires constatent combien les pourparlers d'Abuja piétinent, le Chef de l'Etat tchadien a réussi, le vendredi 20 janvier, à convaincre les chefs des mouvements rebelles soudanais du MJE (Khalil Ibrahim) et du MLS (Minni Arkoi Minawi et Khamis Abdallah Abakar), qu’il avait conviés ici même, à NDjaména, à se structurer en une alliance capable de parler dune seule voix afin daboutir, au plus tôt, à une paix négociée entre Darfouriens et le Gouvernement de Khartoum.

Sans forcer le trait, l'on peut dire que le Président Deby a réussi là où tout le monde a échoué jusqu’à présent, à savoir, unifier les mouvements rebelles du Darfour. Toutefois, une autre lecture en filigrane peut être faite de cette alliance.

En effet, les deux chefs du MLS et du MJE étant des Zaghawa darfouriens, Idriss Deby ne se met-il pas une carte réservée vis-à-vis de Khartoum , en démontrant au Président Béchir que les services spéciaux soudanais continuent d’équiper, soutenir et financer les rebellions tchadiennes installées au Darfour. Le Tchad a les moyens, lui aussi de peser sur la vie politique soudanaise et sur la réputation du régime de Béchir, en entretenant des rapports dorénavant de connivence avec le MJE et le MLS.

Cette alliance conclue dernièrement représenterait une sorte de « force de dissuasion » que détiendrait le Tchad vis-à-vis du régime soudanais.

V- = = LA BANQUE MONDIALE = =

Le rétablissement du dialogue entre le Tchad et la Banque mondiale a débuté dès le 24 janvier avec la venue de l’Administrateur pour l’Afrique M . PAOLO GOMEZ. Ce dernier a indiqué à la sortie de son entretien avec le Président Deby : « je repars à Washington avec des informations d’énorme utilité pour rétablir le dialogue entre la Banque mondiale et la République du Tchad ».

L'excellent état d’esprit qui prévaut actuellement a été confirmé par le Représentant du Fonds Monétaire International à NDjaména.

Le dialogue est donc renoué, la Banque mondiale renégociera vraisemblablement avec le Tchad les questions épineuses en suspens.

 

= = CONCLUSION = =

sous couvert de la Présidence locale de lUnion Européenne à NDjaména les représentations diplomatiques des Etats membres, ainsi que la Délégation de la Commission, s’efforceront donc, dans les jours à venir, de:

 

- Favoriser les négociations entre la Banque mondiale et le Tchad,

- Encourage le dialogue entre les autorités tchadiennes et l'opposition,

-Renforcer la concertation de l'Union Européenne avec les autorités tchadiennes dans le cadre de l’article 8 de l'accord de Cotonou.

La Présidence locale ne manquera pas d'informer l’Union Européenne toute évolution de la situation, en particulier dans la perspective de l'élection présidentielle prévue dans le courant du deuxième trimestre de l’année 2006.

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